L’impact du changement climatique en Chartreuse : le cas de la Réserve naturelle des Hauts de Chartreuse

Le changement climatique est aujourd’hui un enjeu majeur qui concerne tous les aspects de notre vie quotidienne. Ses effets sont déjà visibles dans nos paysages, nos activités et notre patrimoine naturel. C’est dans ce contexte que la démarche Natur’Adapt, expérimentée dans plusieurs Réserves naturelles en France, cherche à mieux comprendre et anticiper ces changements pour préserver notre environnement et nos territoires. La Réserve naturelle des Hauts de Chartreuse s’est inscrit dans cette démarche depuis 2023.

Étude diachronique sur l’évolution des milieux de la Réserve naturelle des Hauts de Chartreuse (2023)

En zones de montagne, l’évolution des milieux est influencée par des facteurs naturels (altitude, exposition, géologie, climat) et humains (pastoralisme, exploitation forestière). En lien avec la déprise agro-pastorale survenue au cours du XXe siècle, ces aspects dynamiques suscitent des questionnements sociaux qui renvoient à la notion de « fermeture des paysages ». Celle-ci peut être perçue tant comme l’expression physique de la perte de contrôle sur l’espace que du signe d’un regain de naturalité. Pour qualifier et quantifier l’évolution des milieux depuis le début du XXe siècle, la Réserve naturelle des Hauts de Chartreuse a produit une étude diachronique basée sur une cartographie par photointerprétation manuelle et une analyse comparative de photographies paysagères prises à des dates différentes depuis des points de vues similaires. 

Quelques résultats :

Le croisement de ces deux méthodes avec des données auxiliaires (géologie, altitude, documents de gestion, dires d’experts) a permis d’identifier et d’interpréter des dynamiques spécifiques telles que la lente densification des forêts subalpines anciennement exploitées, la progression en altitude des lisières des forêts montagnardes des flancs, le maintien des limites alpages-forêts sur les Hauts et la dynamique de stagnation relative des parties sommitales anciennement pâturées. Les causes de ces dynamiques peuvent être naturelles à l’image de la géologie, du climat, de la pédologie, et humaines telles que le maintien ou l’arrêt du pâturage, l’arrêt de l’exploitation forestière sur les Hauts et les changements ou abandons des pratiques des forestiers et des éleveurs dans les zones de flancs.

Démarche Natur’Adapt (depuis 2024)

Les effets du changement climatique commencent à s’observer sur la Réserve naturelle des Hauts de Chartreuse. Ces impacts se manifestent notamment à travers la baisse du niveau de glace dans les glacières souterraines et les demandes de stockage d’eau supplémentaire ou de réfection de captages d’eau préexistants sur les alpages. Face à ces constats, la Réserve se saisit de la méthodologie issue du projet LIFE Natur’Adapt, destinée aux gestionnaires d’aires protégées qui souhaitent se lancer dans une démarche prospective et adapter leurs pratiques de gestion et de protection. La démarche consiste en premier lieu à réaliser un diagnostic de vulnérabilité et d’opportunité sur une diversité d’éléments clés du territoire (activités humaines, patrimoine naturel et outils et moyens de gestion). Ce diagnostic est alimenté par des recherches bibliographiques et la mobilisation des acteurs techniques, scientifiques et du tourisme. 

Quelques résultats :

Dans la continuité des tendances déjà mesurées, les modèles climatiques visualisés projettent une augmentation des températures, une diminution de l’enneigement et une stagnation relative des cumuls de précipitations en Chartreuse (1500 m) à l’horizon lointain (2071-2100). Ces évolutions climatiques et d’autres sources de pression font émerger des vulnérabilités sur le site. Les usages écosystémiques et humains de l’eau sont menacés par le tarissement de certaines sources en été. La forte variabilité des conditions météorologiques d’une année à l’autre sort du domaine de flexibilité des éleveurs et les forêts sont exposées de façon accentuée aux sécheresses et aux attaques d’insectes ravageurs. De façon moins importante, des opportunités peuvent émerger en lien avec le changement climatique. L’allongement de la période clémente dans l’année est favorable aux suivis scientifiques, aux activités de plein air et à la remontée de certaines espèces en altitude. Cependant, les opportunités pour certains éléments du territoire peuvent devenir des sources de vulnérabilité pour d’autres. L’accès facilité au site en hiver et la concentration de la fréquentation humaine vers les périodes d’intersaison sont susceptibles d’accentuer le dérangement des espèces tout au long de l’année. Eux-mêmes sensibles aux évolutions climatiques, les outils et moyens de gestion de la RNNHC devraient connaître des modifications. Celles-ci se manifesteraient par un accroissement de la pression de surveillance lors des périodes d’intersaison et à travers la création de nouveaux outils pédagogiques.

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